Un notable bamiléké, membre du koungang (société secrète traditionnelle) confirme la croyance : « Chez nous, ils sont des êtres spéciaux, avec évidement des pouvoirs spéciaux », renseigne notre source, ayant requis l’anonymat.
Quels sont donc ces pouvoirs si spéciaux, pourrait-on se demander. En réalité, apprend-on du notable susmentionné, le jumeau rend la maison joyeuse, il la protège, lui apporte fortune et joie. D’autre part, les jumeaux sont connus pour apaiser ou guérir les luxations ou fractures à l’aide de massages. « Le jumeau est doué de douceur, d’une main saine. Il est l’ami de Dieu et à ce titre, il peut braver tous les interdits traditionnels ; comme ne pas s’asseoir sur la chaise du chef par exemple», ponctue fièrement le notable, lui-même père de jumeaux.
Ce dernier mentionne un élément essentiel qui pourrait expliquer ces dons hors du commun: les jumeaux subissent un rite traditionnel à leur naissance (et aussi à leur mort). A la naissance des jumeaux, les femmes proches de leur mère cuisinent du Nkuii (plat traditionnel) qu’elles apportent aux ancêtres. Elles cuisinent aussi du « Haricot koki » et mettent un panier à l’entrée de la porte. Chaque visiteur des bébés jumeaux devrait y lancer de l’argent pour matérialiser la fortune qu’apportent les jumeaux (encore plus si ce sont les triplés ou quadruplés). « Sérieusement, mes jumeaux m’ont apporté prospérité et stabilité, constate Paul Joël, ressortissant bamiléké. Je sens un vrai changement entre avant et après leur venue au monde », poursuit-il avec conviction.
Les jumeaux ont aussi des noms particuliers en pays bamiléké : « Ngondja », « Ntaa koungang », « Soffo» (ami de Dieu) ou des noms se terminant par « Fack » (comme Donfack, Sonfack) pour signifier qu’on est jumeau. Les parents de jumeaux bénéficient aussi des honneurs. Leur mère s’appellera «Magni » et le père, « Tagni ».
Monique Ngo Mayag