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Jean-Pierre Amougou Belinga à l’épreuve du feu…

Jean-Pierre Amougou Belinga à l’épreuve du feu…

Paru le mercredi, 06 juillet 2022 08:26

Depuis le 4 mars 2023, Jean-Pierre Amougou Belinga est un prisonnier. Il a été inculpé pour « complicité de torture » et placé en détention provisoire à la prison principale de Kondengui à Yaoundé, dans le cadre de l’affaire Martinez Zogo, du nom de l’animateur de radio enlevé et assassiné en janvier 2023. Après près de 12 mois d’instruction, l’homme d’affaires a été renvoyé avec 16 autres personnes, dont 14 agents des services secrets, devant le tribunal militaire de Yaoundé ou le procès s’est ouvert le 25 mars 2024. Il risque la prison à vie !

L’immunité dont semblait jouir le président-directeur général du groupe l’Anecdote a donc volé en éclat. Au centre de plusieurs affaires depuis plusieurs années, le promoteur de la télévision Vision 4 avait jusqu’ici réussi a passé entre les mailles de la justice. Les hautes personnalités de la République accusées en 2006 par son journal de pratiquer l’homosexualité, les responsables du Conseil national de la communication ou ses employés tombés en disgrâce peuvent longuement en témoigner ! Ses multiples interdictions de sortir du pays, finalement levées, en disent également long. Au point où, dans les milieux judiciaires, on le disait même invincible.

L’homme d’affaires devait cette réputation au réseau qu’il s’est tissé au sein du sérail. Quand il lui arrive de se raconter, Jean-Pierre Amougou Belinga n’hésite jamais à étaler la longue liste de ses « amis » haut placés. Sa proximité avec le ministre de la Justice, Laurent Esso, est de notoriété publique. Ce dernier était un des invités de marque de ses troisièmes noces avec la fille du colonel Raymond Thomas Etoundi Nsoé, ancien commandant de la garde présidentielle. Tout comme le ministre de la Communication, René Emmanuel Sasdi, ou du Travail, Grégoire Owona. Il s’est aussi souvent dit proche du général Ivo Desancio Yenwo, qui dirige la direction de la sécurité présidentielle… Et ce n’est pas tout.

Dans une interview au long cours sur Vision 4, le PDG du groupe L’Anecdote raconte que c’est le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, un autre de ses « amis », qui l’a encouragé à investir dans la création d’un institut privé d’enseignement supérieur. Et dans une série d’enregistrements qui se sont retrouvés sur les réseaux sociaux en 2020, Amougou Belinga revendique sa proximité avec le ministre des Finances, Louis Paul Motaze (l’argentier national a par ailleurs pris plusieurs décisions jugées favorables à l’homme d’affaires, empêtré dans un redressement fiscal de 30 milliards de FCFA, depuis fin 2021) et même avec des chefs d’État de la sous-région, dont le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra.

Il semble néanmoins que l’épreuve qu’il traverse ne lui pas fait perdre tous ses soutiens dans l’appareil de l’État. En témoigne le traitement dont il bénéficie au sein du pénitencier de Kondengui. Dans cette maison d’arrêt, redoutée pour sa promiscuité et sa surpopulation carcérale, Jean-Pierre Amougou Belinga occupe une cellule individuelle. La pièce a été aménagée à sa convenance. Derrière les barreaux, l’homme d’affaires, qui reste accroché à son téléphone portable, reçoit des files interminables de visiteurs et suit de près ses activités.

 

Fonds publics

Cet originaire de la Mefou-et-Akono, dans le Centre du Cameroun, parti de rien (il a longtemps enchainé les petits boulots pour survivre), est, en effet, aujourd’hui à la tête d’un groupe tentaculaire… Il est le patron de plusieurs médias (Vision 4, radio Satellite, L’Anecdote…), d’une microfinance (Vision Finances), d’une société de distribution d’eau potable (Eaux équatoriales du Cameroun SA), d’un institut privé d’enseignement supérieur et d’une flopée d’entreprises de prestation de services. Depuis 2023, il est même entré dans la distribution des produits pétroliers, et sa société (ABP) compte déjà plusieurs stations-service.

L’Agence nationale d’investigations financières (ANIF) estime qu’entre 2018 et mi-2020, ces sociétés (Vision Finances exclue) ont brassé la rondelette somme de 90 milliards de FCFA. Cet argent est constitué des fonds publics provenant notamment du fameux chapitre 94, logé au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat). Alors à la tête de ce ministère, Louis Paul Motaze a, selon des documents officiels qui ont fuité, accordé à ce groupe au moins 2,6 milliards de FCFA entre 2017 et 2018 notamment pour acquérir la chaine de télévision Télésud, revendue en janvier 2024 à un peu plus de 14 millions de FCFA.

Cette révélation de l’ANIF alimente depuis le débat sur les bénéficiaires réels de l’argent qui atterrit dans les comptes bancaires des entreprises de Jean-Pierre Amougou Belinga. Au final, celui qui a été élevé, le 20 mai 2022, au rang d’officier l’Ordre de la Valeur, la plus haute décoration honorifique camerounaise qui récompense les services « éminents » rendus à l’État du Cameroun, n’est-il pas qu’un simple homme lige du système ? Lui, il préfère en rire, se présentant comme un self-made-man. L’un exclut-il l’autre ?

Michel Ange Nga

Dernière modification le mardi, 09 avril 2024 14:50

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