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Maximilienne Ngo Mbe : une combattante redoutée des droits de l’Homme

Maximilienne Ngo Mbe : une combattante redoutée des droits de l’Homme

Paru le mercredi, 06 juillet 2022 08:29

Son intrépidité tranche avec son allure frêle. Maximilienne Ngo Mbe ne recule devant rien lorsqu’il s’agit de défendre les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, « deux choses essentielles à la démocratie », avance-t-elle. Pour ce combat auquel elle a déjà consacré trois décennies de sa vie, cette Bassa du département de la Sanaga-Maritime a reçu des coups, comme lorsque son domicile a été cambriolé et ses bureaux ravagés par un incendie suspect le 26 janvier 2020 et dont des circonstances « n’ont jamais été élucidées par la police », regrette-t-elle.

Actuellement directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), une ONG cooptée comme « observateur » auprès de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), elle fait partie des voix les plus audibles de la société civile africaine. En témoigne les prix qu’elle collectionne d’année en année : prix Robert F. Kennedy 2022, prix international du courage féminin 2021, top 100 personnes les plus influentes d’Afrique en 2018 du magazine News African, prix franco-allemand des droits de l’Homme et de l’État de droit 2016

Sous sa casquette de lanceuse d’alerte, les dénonciations de la patronne du Redhac ont souvent été à l’origine des scandales agaçants et accablants pour le régime de Yaoundé. Ce fut le cas en juillet 2018, lorsqu’elle dénonce l’exécution sommaire par des soldats camerounais de deux femmes et de leurs enfants dans la région de l’Extrême-Nord. L’affaire tombe mal pour le pouvoir qui s’apprête à organiser l’élection présidentielle à laquelle le président Paul Biya est candidat à sa propre succession.

Le gouvernement se précipite alors pour démentir l’implication de l’armée dans ce scandale. Nonobstant les intimidations et menaces, Maximilienne Ngo Mbe ne lâche pas prise. Habituées des zones de conflits, les équipes du Redhac ont pris le soin de recouper les informations contenues dans une vidéo de trois minutes montrant l’incroyable scène.

Maurice Kamto

Après plus de deux mois d’enquête collaborative menée par la BBC, Amnesty International, le site d’investigation Bellingcat et la contribution d’internautes, ils finissent par déterminer le lieu et situer la date du crime (entre le 20 mars et le 5 avril 2015). Acculé, Yaoundé ordonne finalement l’arrestation de sept militaires, dont un lieutenant, tous soupçonnés d’être impliqués dans cet homicide.

En première ligne lors de la campagne de dénonciation du drame de Ngarbuh (Nord-Ouest) et récemment encore au sujet de la mort présumée des civils à Mautu dans le cadre de la crise anglophone, l’engagement de Maximilienne Ngo Mbe contre les exécutions extrajudiciaires et autres exactions imputées à l’armée, est diversement apprécié.

De fait, si l’experte de l’Union africaine (UA) sur les questions de démocratie, des élections et de la gouvernance est célébrée pour son courage, ses critiques acerbes contre l’armée sont mal perçues par le pouvoir. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, soupçonne même son organisation d’être à la solde de « ceux qui veulent déstabiliser » le Cameroun. Cette thèse est d’autant plus soutenue qu’elle s’est souvent montrée solidaire à Maurice Kamto, l’opposant accusé d’être porteur d’un projet insurrectionnel.

« J’ai écouté et réécouté la sortie du Pr Kamto Maurice, je n’ai pas entendu le mot “insurrection”. J’ai lu son texte dans lequel il réclame son droit à la liberté d’opinion et de manifestation et depuis sa sortie on assiste à la sorcellerie pure et simple au grand jour », s’est-elle défendue.

Baudouin Enama

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