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Jean Michel Nintcheu : le frondeur de Douala

Jean Michel Nintcheu : le frondeur de Douala

Paru le mercredi, 26 octobre 2022 17:58

Quand il prend la parole le 23 décembre 2023 pendant la troisième convention ordinaire du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le député Jean-Michel Nintcheu fait monter l’applaudimètre. Quelques minutes plus tard, la salle exulte quand il propose une alliance pour porter la candidature de Maurice Kamto à la prochaine présidentielle, censée se tenir en octobre 2025. Même si l’Alliance politique pour le changement (APC) a fait long feu (elle a été interdite par le ministère de l’Administration territoriale), elle a cristallisé l’attention de l’opinion pendant quelques mois. À en croire Jean-Michel Nintcheu, pas moins de 32 partis politiques avaient déjà rejoint cette plateforme pour porter la candidature du président du MRC en 2025.

Avec cet épisode, Jean-Michel Nintcheu a sans doute démontré qu’il est toujours une des principales voix du landernau politique camerounais. Cet ancien imprimeur-libraire déjoue ainsi les pronostics qui annonçaient sa mort politique après son exclusion définitive du Social Democratic Front (SDF) après un désaccord idéologique. Il a su rebondir en relançant les activités du Front pour le changement du Cameroun (FCC), son parti créé en 1992 qui végétait depuis qu’il a intégré le SDF quelque temps après. Ce parti est inspiré des idéaux du « SDF originel ». D’ailleurs, « toute la base du FCC, ce sont les militants du SDF. Trois mairies sur les quatre gagnées par le SDF lors des dernières municipales sont aujourd’hui avec nous », affirme-t-il. Son ambition n’est plus un secret, car Jean-Michel Nintcheu s’investit désormais pour une opposition frontale visant la victoire de Maurice Kamto à la prochaine élection présidentielle. Pour le parlementaire, le président du MRC est celui qui incarne le mieux cette opposition révolutionnaire prônée par le SDF à ses débuts.

Malgré son éviction du SDF, Jean-Michel Nintcheu est resté le même trublion qu’il a toujours été. La preuve, en mars dernier, il dépose une plainte contre le président de la République, Paul Biya, au Tribunal de grande instance de Yaoundé. Et une autre contre le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh. Il accuse le premier de cumul de fonctions et le second d’usurpation de pouvoir. Plusieurs chroniqueurs politiques louent le sens du happening politique du parlementaire qui souhaite rester au-devant de la scène alors que les prochaines élections législatives approchent. Car, il est évident que ces plaintes ne vont pas prospérer.

 

Popularité

Quoi qu’il en soit, après 30 ans d’activisme et d’engagement politique sous la bannière du SDF, la popularité de Jean-Michel Nintcheu reste intacte à Douala, la capitale économique à la réputation de ville frondeuse. La percée du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto (avec qui il met un point d’honneur à soigner les rapports) dans le Littoral et son divorce avec SDF ne semblent pas avoir entamé la capacité de mobilisation de ce parlementaire qui reste des plus enviables dans la circonscription du Wouri-Est.

Fils d’un ancien combattant de l’Union des populations du Cameroun (UPC), Nintcheu est un activiste né. « À 16 ans, alors qu’il était encore élève, il s’est fait arrêter puis libérer en 1975, pour avoir distribué des tracts de l’UPC nationaliste », raconte un de ses proches. Le 23 février 2008, c’est encore Jean-Michel Nintcheu qui initie un meeting pour marquer son opposition à la modification de la Constitution et à la lutte contre la vie chère, matérialisée par la hausse des produits de première nécessité. Ces événements aboutiront aux « émeutes de la faim », observées dans plusieurs villes du Cameroun. Depuis lors, la plupart des manifestations publiques, organisées ou soutenues par ce diplômé de l’École de commerce de Toulouse (France 1984), sont interdites par les autorités administratives pour risque de trouble à l’ordre public.

 

Bourreau de Foning

En 2007, c’est bien lui qui bat feue Françoise Foning, la redoutable candidate du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au terme de la reprise des législatives dans cette circonscription électorale. Quatorze ans plus tard, il garde le lead puisqu’il est à nouveau choisi comme député par ces populations du Wouri-Est.

Dans tous les cas, dans la rue comme à l’hémicycle, cet « Upéciste manqué » s’accommode mal de la posture de l’opposition « républicaine », dont le fondement est la convivialité institutionnelle avec le RDPC. Certains membres du gouvernement l’ont souvent appris à leurs dépens lors des questions orales à l’Assemblée nationale. Et ce n’est pas Louis Paul Motaze, ministre des Finances, encore moins Manaouda Malachie de la Santé publique qui diront le contraire.

Selon lui, il en sera ainsi tant que la lutte pour le changement n’aura pas atteint son objectif. « La plupart des régimes africains ont changé, seul le Cameroun est toujours dans l’inertie. Je me battrai jusqu’à mon dernier souffle pour faire changer ce système », promet le natif de Banka dans le Haut-Nkam, région de l’Ouest. Cet ancien du collège Saint-Michel de Douala et du lycée Polyvalent de Bonaberi croit assurément à son destin !

Baudouin Enama

Dernière modification le mardi, 09 avril 2024 14:49

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