Rumeurs, idées reçues, clichés, superstitions, légende : qui dit vrai ? qui dit faux ?
Non, le 665666666 ne vous tuera pas si vous le décrochez

Non, le 665666666 ne vous tuera pas si vous le décrochez

Paru le jeudi, 27 juin 2019 13:01

Un message partagé via WhatsApp prétend que ce numéro de téléphone portable aurait provoqué la mort subite de ceux qui ont répondu à l’appel dans la localité de Melong, dans la région du Littoral. Est-ce vrai ?

Un message, partagé depuis quelques jours sur WhatsApp, demande d’«éviter de décrocher ce numéro 665666666», car celui-ci «vient de tuer plusieurs personnes à Melong», une localité du département du Moungo, dans la région du Littoral.

Ledit message ne donne aucune précision sur les circonstances de ces présumés décès, encore moins quand cela s’est produit. En réalité, il s’agit d’une infox. «Cette rumeur est fausse et totalement insensée», indique des sources chez Nexttel, l’opérateur de téléphonie mobile à qui appartient ce numéro. Preuve que la rumeur est infondée, aucun décès lié à un appel téléphonique à Melong n’a par ailleurs été rapporté par les autorités publiques ou par les médias.

Ce n’est pas la première fois qu’une rumeur selon laquelle certains numéros de téléphone portable provoqueraient la mort subite de ceux qui répondent à l’appel circule dans le pays. Le phénomène, connu depuis quelques années, ne se limite pas au Cameroun. En 2004, une rumeur similaire avait ébranlé les esprits au Gabon voisin. Devant l’ampleur du phénomène, le directeur général de Telecel, l’opérateur qui gérait les numéros incriminés, avait publié un démenti dans la presse pour rassurer les usagers.

Sorcellerie

La rumeur des numéros tueurs apparaît pour la première fois au Nigeria en juillet 2004, puis se propage au Cameroun et au Gabon, avant de prendre une dimension internationale, renseigne Julien Bonhomme, auteur de «Les numéros de téléphone portable qui tuent. Epidémiologie culturelle d’une rumeur transnationale» publié en 2011 dans «Tracés», une revue de recherche en sciences humaines et sociales.

«Il est significatif que la rumeur des numéros tueurs soit née au Nigeria moins d’un an après l’organisation d’une journée nationale de boycott du téléphone portable en septembre 2003. Les Nigérians reprochent aux opérateurs téléphoniques leurs tarifs excessifs, mais aussi le manque de fiabilité du réseau : les appels sont souvent interrompus et on se retrouve même parfois en communication avec un interlocuteur inconnu. On raconte d’ailleurs que des usagers mécontents seraient à l’origine de la rumeur des numéros tueurs», relate l’auteur.

Avant de poursuivre : «Mais il se dit aussi, à l’inverse, que les opérateurs auraient eux-mêmes lancé la rumeur, en guise d’avertissement aux usagers suite à la journée de boycott. C’est ainsi dans un contexte d’engouement enthousiaste pour la téléphonie mobile doublé d’une défiance envers les opérateurs que la rumeur fait son apparition». A en croire Julien Bonhomme, cette rumeur relève davantage de la superstition : «Cette histoire de numéros tueurs exploite une inquiétude inhérente à la communication téléphonique : la menace des appels anonymes. Alors que les numéros tueurs font leur apparition en Afrique comme une forme inédite de sorcellerie, en Asie, cette version sorcellaire cède la place à une nouvelle variante : un virus téléphonique serait à l’origine du phénomène».

Patricia Ngo Ngouem

Dernière modification le jeudi, 27 juin 2019 13:05

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