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Droits d’auteurs : pourquoi le cabaret de Lady Ponce doit payer la redevance

Droits d’auteurs : pourquoi le cabaret de Lady Ponce doit payer la redevance

Paru le jeudi, 28 avril 2022 15:28

La chanteuse Lady Ponce (de son vrai nom Ruffine Ngono) a laissé éclater sa colère sur les réseaux sociaux le 26 avril dernier, après avoir été sommée par la Société nationale camerounaise de l’art musical (Sonacam) de payer la somme de 400 000 FCFA au titre de la redevance du droit d’auteur. Ce, pour avoir notamment exploité des œuvres musicales dans son complexe de détente Planète Ponce à Yaoundé. Ce complexe est composé, entre autres, d’un cabaret, d’un restaurant, d’une salle de sport et d’un institut de beauté. 

« J’hallucine ou c’est de la sorcellerie ? C’est uniquement ma musique qui est distillée dans mon complexe à longueur de journée et les artistes que j’invite pour la promotion de la culture sont payés à mes frais », s’insurge, sur sa page Facebook, l’auteure de Le ventre, titre qui l’a révélée au public en 2014. La chanteuse devait se présenter au siège de la Sonacam ce jeudi 28 avril pour le paiement de ladite redevance. Lady Ponce, qui se trouve hors du Cameroun, s’est fait représenter par son avocat. 

« Son conseil a décidé qu’il n’y a rien à payer, car ce n’est pas à la Sonacam de nous adresser cette convocation. Quand on sera saisis par la Scaap (Société civile des arts audiovisuels et photographiques, NDLR), on fera peut-être un versement. La Sonacam doit payer les droits d’auteur à Lady Ponce depuis des années, mais ils ne le font pas », a confié à SBBC un membre de l’équipe de la chanteuse, sous le couvert de l’anonymat. Lady Ponce accuse en effet la Sonacam de la « spolier » de ses droits d’artiste depuis des années, alors que ses « œuvres sont distillées sur tous les coins du triangle national et au-delà », affirme la chanteuse qui jouit aujourd’hui d’une notoriété internationale. 

Portefeuille 

Selon Me Léopold Kwendjeu, conseil en propriété intellectuelle, le cabaret de Lady Ponce est assujetti au paiement de la redevance du droit d’auteur, comme tous les autres établissements de ce type installés sur l’ensemble du territoire national. « Les cabarets font partie du portefeuille de la Sonacam. Elle est donc en droit d’aller dans chacun des cabarets du Cameroun demander le paiement de la redevance du droit d’auteur. Le fait que le tenancier du cabaret ait, à tort ou à raison, des réclamations à formuler à l’endroit de la Sonacam ne justifie pas le défaut de paiement de cette redevance », affirme l’avocat, soulignant que la chanteuse et son cabaret sont « deux personnalités juridiques » bien distinctes.

Ce dernier précise qu’aucun usager n’est la propriété exclusive d’un organisme de gestion collective (OGC). « Quand la Sonacam va chez un usager, elle ne va pas s’appesantir seulement au paiement de la redevance du droit d’auteur due par l’usager pour l’exploitation des œuvres de son répertoire musical. Elle demande également le paiement de la redevance du droit d’auteur pour toute utilisation d’œuvres de l’esprit. L’article 2 de la loi du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins définit les œuvres de l’esprit comme les œuvres du domaine littéraire et artistique. Dans le domaine littéraire, on a des œuvres littéraires écrites ou orales, y compris des programmes d’ordinateur. Dans le domaine artistique, on aura la musique, les œuvres audiovisuelles (comme des films, qui relèvent de la Scaap), les sculptures, les gravures, les mosaïques, les lithographies, les dessins, etc. », explique le juriste.

En effet, chaque société de gestion collective est mandataire des autres sociétés auprès des usagers relevant de son portefeuille, conformément à la décision du ministre des Arts et de la Culture (Minac) du 16 février 2021 portant homologation du tableau d’affectation du portefeuille des usagers et autres débiteurs aux OGC du droit d’auteur et des droits voisins. « Il est vrai que la musique est l’élément phare dans un cabaret. Mais dans un cabaret, on peut trouver des tableaux, des sculptures, etc. On peut avoir un écran télé qui distille par exemple des films. Il faut payer la redevance du droit d’auteur par rapport à tout ce qui peut être vu, parce que c’est dans un endroit ouvert au public. C’est de la représentation au sens de l’article 16 de la loi 2000 », explique Me Kwendjeu. 

Licences d’exploitation

Par « représentation », il faut entendre la communication d’une œuvre littéraire ou artistique au public, y compris sa mise à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès à l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement, indique la loi. Cela concerne par exemple la télédiffusion, c’est-à-dire la diffusion soit sans fil (radiodiffusion ou télévision), soit par fil ou tout autre dispositif technique analogue, de sons, d’images, de textes ou de messages de même nature, clarifie la loi. Cela peut également être l’exposition publique de l’original ou des exemplaires d’une œuvre d’art. Au Cameroun, les redevances dues au titre du droit d’auteur et droits voisins englobent tous types de rémunérations découlant de l’exploitation des œuvres de l’esprit. 

Elles proviennent des autorisations ou licences d’exploitation que les auteurs et titulaires de droits voisins concèdent. En principe, un usager est censé reverser les redevances à aux cinq OGC agréés constitués en société civile dont il utilise les œuvres. Mais la décision du Minac a attribué un portefeuille d’usagers à chaque OGC. Pour le portefeuille de l’art musical, c’est la Sonacam qui est censée percevoir la redevance. Au lieu de remettre les sommes à percevoir à la Sonacam, l’usager doit reverser les redevances dues dans le compte de dépôt spécial de redevance du droit d’auteur et des droits voisins qui est commun à tous les OGC, pour affectation entre sociétés et répartition.

Pour Me Kwendjeu, Lady Ponce gagnerait à se rapprocher des administrateurs de la Sonacam et, faute d’un accord avec eux, saisir, au besoin, la commission de contrôle des OGC pour arbitrage. « Des constatations pourront être faites par rapport à l’exploitation des œuvres ou non. Ce sont des éléments de preuve qu’on peut mettre sur la table et on dira si elle est assujettie au non au paiement de la redevance du droit d’auteur à hauteur de ce qui lui est demandé. Si après vérification, il est établi qu’elle devait effectivement entrer en répartition, disons par exemple à hauteur de 200 000 et que le cabaret doit payer 400 000 FCFA, la compensation sera un mode de paiement tel que reconnu dans le Code civil au Cameroun. Mais tout cabaret doit payer la redevance du droit d’auteur », conclut le conseil en propriété intellectuelle.

Patricia Ngo Ngouem

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