Alors que le pays fait face à l’effondrement de plusieurs immeubles, la ministre de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu), Célestine Ketcha Courtès (photo), appelle les maires à appliquer la réglementation en matière de construction des bâtiments dans les villes. « L’actualité dans notre pays est marquée par la recrudescence du phénomène des effondrements d’immeubles déjà achevés ou en construction dans nos villes, provoquant d’importants dégâts matériels et, malheureusement, de nombreuses pertes en vies humaines. Les premiers constats faits sur les lieux de survenance des différents sinistres permettent d’affirmer que le non-respect de la réglementation en matière d’autorisation et de contrôle de la construction des bâtiments constitue l’une des principales causes de ces sinistres », écrit-elle dans une lettre-circulaire adressée aux magistrats municipaux le 28 juillet dernier.
Le 25 juillet, un immeuble de quatre niveaux en construction s’est affaissé au quartier Baladji I à Ngaoundéré (Adamaoua), faisant quatre morts. Deux jours plus tôt, un immeuble d’habitation R + 4 s’est effondré au lieu-dit « Mobil Guinness », dans le cinquième arrondissement de Douala (Littoral). Cet accident a fait une trentaine de morts et une vingtaine de blessés. Dans un cas comme dans l’autre, le non-respect des normes techniques de construction a été pointé du doigt par les autorités, alors que les urbanistes plaident pour un respect strict des normes d’urbanisme. Célestine Ketcha Courtès rappelle aux maires que le Cameroun dispose d’un arsenal juridique étoffé en matière d’encadrement des opérations de construction, et plus généralement d’habitat. Lequel arsenal fait des communes les « bras séculiers » du contrôle de la construction des bâtiments dans les villes camerounaises.
« En effet, les textes leur accordent non seulement d’importantes prérogatives pour veiller à une stricte application des règles à respecter aussi bien dans la phase des études que celle de l’exécution des travaux. Mais de plus, ils leur donnent un pouvoir de sanctions en cas de non-respect desdites règles », affirme-t-elle. Dans cet arsenal juridique, la ministre cite notamment la loi du 21 avril 2004 régissant l’urbanisme au Cameroun, dont l’article 18 donne le pouvoir aux maires d’assurer la diffusion et l’application des dispositions prévues aux règles générales d’urbanisme et de construction, « en recourant à tous les moyens nécessaires ». L’article 19 de ladite loi dispose qu’aucune construction provisoire ou définitive ne peut être édifiée sans autorisation préalable de la commune compétente, sous peine de sanctions.
Constructions à risque
L’article 125 (1), quant à lui, autorise le maire à prescrire la démolition de murs, bâtiments ou édifices quelconques, notamment dans les cas où il y a risque d’effondrement. Autant de dispositions réglementaires qui engagent la responsabilité des maires en matière d’urbanisme dans le pays. « Au regard des insuffisances constatées dans l’application de l’arsenal juridique mis à votre disposition (…) et afin de s’assurer du strict respect des normes de construction, je vous invite à assumer sans faille les prérogatives qui vous sont reconnues par les textes, dans l’esprit de la décentralisation conduite par le chef de l’Etat », instruit Ketcha Courtès aux gestionnaires des villes.
Elle attire notamment leur attention sur les changements climatiques qui, dit-elle, augmentent les occurrences des phénomènes naturels extrêmes à travers le monde, et incidemment les risques de désastres humains et socio-économiques en particulier en milieu urbain, du fait de la plus grande densification de l’habitat. « Cette nouvelle donne oblige les gestionnaires des villes à être plus rigoureux dans le respect des documents d’urbanisme, des règles et des normes de construction qui doivent être considérées comme des instruments pertinents de prévention et de mitigation des risques », selon la membre du gouvernement.
À cet effet, elle demande aux maires de mettre en place des commissions des actes administratifs d’urbanisme, afin de garantir la prise en compte pour leur délivrance des avis de toutes les parties prenantes à une urbanisation durable. Ils devront également identifier les bâtiments et les constructions à risque, afin d’initier les procédures conduisant à la démolition le cas échéant, intensifier le contrôle effectif « in situ » des chantiers dans les villes et organiser des campagnes de sensibilisation des citoyens sur leur responsabilité en tant qu’acteurs dans le contrôle des constructions. Ce, en impliquant les comités de quartiers afin de « développer chez eux l’exigence du respect des règles d’urbanisme et de construction, et une culture d’identification des risques et d’alerte précoce des autorités compétentes ».
Des « mesures urgentes » destinées à garantir une application « sans faiblesse » des textes qui encadrent le processus de construction dans les centres urbains l'objectif recherché étant d’éviter d’autres drames dans l’avenir. Célestine Ketcha Courtès a entamé en février dernier une tournée des dix régions dans le but de sensibiliser les maires à mieux s’approprier l’arsenal des textes qui régissent le développement urbain au Cameroun. Cette tournée, expliquait-t-elle, se justifiait par une méconnaissance desdits textes par les magistrats municipaux. « Lors d’un conseil de cabinet, le Premier ministre a attiré notre attention sur le fait que nous avons une panoplie de textes méconnus qui poussent à l’occupation anarchique et conduit à ce que nous voyons : les inondations, les éboulements, les immeubles qui s’écroulent deux années après leur construction, etc. Il est donc important que les maires s’approprient les textes sur l’urbanisme », déclarait-elle alors à la radio nationale.
Patricia Ngo Ngouem
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