L’ Agence française de développement (AFD) a publié en mai 2023, un rapport sur les libertés numériques dans 26 pays francophones en Afrique en se basant sur le niveau de difficulté pour accéder à l’information en ligne, les limites du contenu et les violations des droits des utilisateurs. Le Cameroun est classé parmi les pays « non libres » en matière de liberté sur Internet. Selon l’évaluation de l’AFD, les pays enregistrant des scores totaux entre 81 et 100 points sont considérés comme ceux offrant un Internet libre.
Ceux qui ont des scores compris entre 56 et 80 points sont partiellement libres, entre 55 et 31 points sont partiellement non libres et entre 30 et 0 points sont ceux offrant un Internet non libre à ses habitants. Le Cameroun affiche un score global de 30/100, et est donc considéré comme non libre. Il est présenté dans le rapport comme un État où les libertés numériques sont « gravement en difficulté », en raison notamment de la mise en œuvre par le gouvernement des pratiques répressives restreignant la liberté d’expression et l’accès à l’information, symbole de « l’autoritarisme numérique » qui se développe.
« De nombreuses lois favorisent la censure et limitent le type de contenu partagé sur les réseaux sociaux. La loi du 12 décembre 2010 relative à la cybersécurité et la cybercriminalité prévoit des amendes et des peines de prison pour toute personne qui “diffuserait des informations qui ne sont pas en mesure de vérifier”. Cette loi incite la population à ne pas contester ouvertement les informations diffusées par le gouvernement », peut-on lire dans le document. Le rapport note que le pays est également accusé de se servir de la loi du 23 décembre 2014 contre le terrorisme pour restreindre la liberté d’expression.
Coupures d’Internet
L’étude pointe aussi du doigt les coupures d’Internet visant majoritairement la « minorité » anglophone. Alors que la crise anglophone faisait rage dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, le gouvernement avait coupé ou limité l’accès à Internet à plusieurs reprises dans ces régions en 2017 et 2018. La connexion avait été rétablie par la suite. Le pays avait été traîné en justice pour coupure d’Internet, suite à une plainte déposée devant le Conseil constitutionnel par des ONG de défense des droits humains.
Yaoundé a ratifié un grand nombre de traités relatifs aux droits humains. Toutefois, dans les faits, le pays est régulièrement accusé de s’attaquer aux libertés fondamentales en particulier depuis le début de la crise anglophone en 2016, selon la même source. Le rapport dénonce ainsi des arrestations, des détentions arbitraires et des cas de tortures de journalistes et de défenseurs des droits de l’Homme en particulier. L’AFD cite notamment le cas de la journaliste anglophone Mimi Mefo, accusée d’avoir publié de fausses informations sur son site. Elle avait été arrêtée le 7 novembre 2018, écrouée à la prison de Douala puis libérée peu de temps après. Son incarcération avait suscité l’émoi dans le pays.
Le rapport précise que le taux de pénétration d’Internet a progressé dans le pays, passant de 21 % à 38 % entre 2016 et 2020). Il déplore toutefois le fait que les Camerounais font face à des « prix prohibitifs » pour un service « à la qualité variable », tandis que deux des quatre quand opérateurs du pays (MTN et Orange) « souffrent d’une moyenne annuelle de 60 perturbations du réseau (30 minutes-2 heures ». MTN, Orange, Viettel (qui exerce au Cameroun sous la marque commerciale Nexttel) et Camtel ont été sanctionnés le mois dernier pour mauvaise qualité de service et devront payer des amendes 6 milliards de FCFA.
Ces sanctions ont été annoncées le 25 mai, après un mouvement de protestation des consommateurs contre la qualité du service et les tarifs appliqués par ces opérateurs. Le Cameroun partage le statut de pays non libre en matière d’Internet avec d’autres pays de la zone Cemac dans ce rapport. Il s’agit de la Guinée équatoriale (dernière au classement sous régional et général avec un score de 6/100), du Tchad et de la République centrafricaine (RCA). Le Gabon et le Congo figurent dans la catégorie des pays “partiellement non libres”. L’île Maurice (96/100) et les Seychelles (84/100) sont les pays qui fournissent le plus de liberté de l’Internet à leurs citoyens, indique l’AFD.
Patricia Ngo Ngouem
Degré de liberté de l’Internet dans la zone Cemac (rapport AFD)
Gabon (45/100) : partiellement non libre
République du Congo (41/100) : partiellement non libre
Cameroun (30/100) : non libre
République centrafricaine (30/100) : non libre
Tchad (11/100) : non libre
Guinée équatoriale (6/100): non libre
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