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Covid-19 : la polémique éloigne l’espoir d’un vaccin pour le Cameroun

Covid-19 : la polémique éloigne l’espoir d’un vaccin pour le Cameroun

Paru le lundi, 06 avril 2020 17:13

La vague d’indignation ne s’estompe pas malgré les excuses du Pr Jean-Paul Mira, chef du service de réanimation de l’Hôpital de Cohin en France, et du Pr Camille Locht, directeur de recherche à l’Institut français de recherche médicale (Inserm).

Ces deux chercheurs français sont au cœur d’une polémique née la semaine dernière à la suite des propos tenus sur les antennes de la chaine de télévision LCI, en rapport avec l’hypothèse d’un test de vaccin BCG en Afrique dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19.

Dans un extrait de cette émission, le Pr Jean-Paul Mira, « provocateur », suggère de réaliser des études sur le continent africain « où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs dans certaines études sur le Sida où on essaie des choses sur les prostituées parce qu’on sait qu’elles sont exposées et ne se protègent pas ». Sur le coup, son co-paneliste, Camille Locht, lui donne « raison » et évoque le développement par l’Inserm d’une « réflexion en parallèle à une étude en Afrique pour faire ce même type d’approche avec le BCG ».

Levée de boucliers

Ces propos « ne reflètent pas la position des autorités françaises », a déclaré le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères vendredi dernier. Malgré tout, l’ex-footballeur Samuel Eto’o Fils martèle que l’Afrique ne doit pas être le « terrain de jeu » de l’Occident. Son confrère ivoirien Didier Drogba qualifie de « graves, racistes et méprisants ! », les déclarations de Jean-Paul Mira et Camille Locht.

« Les leaders étatiques africains qui auraient accepté de recevoir des fonds pour livrer leurs populations comme des cobayes pour l’expérimentation préalable des vaccins anti-Covid-19, alors que ceux-ci ne sont pas déjà testés dans les pays européens et nord-américains qui sont devenus l’épicentre de la spirale pandémie, se seront exposés eux-mêmes à des tourbillons insurrectionnels lorsque lesdites populations affectées par le Covid-19 se seront informées de ce scandale », a averti le politologue camerounais Mathias Éric Owona Nguini.

Ludovic Lado, un prêtre jésuite actif sur les débats politiques au Cameroun, estime qu’au 21e siècle, l’Afrique ne devrait pas être prise comme « une serpillère ».

Au-delà de l’émotion

Cette protestation portée par des artistes et sportifs de renoms, des influenceurs web, des leaders d’opinion, pousse les pays à reculer ou à se montrer face à ce projet de tests cliniques du vaccin contre le Covid-19. Cette posture inquiète au sein de la communauté scientifique africaine. D’autant plus qu’il s’agit, affirment certains d’entre eux, d’un des vaccins les plus prometteurs contre le coronavirus qui sévit déjà dans plusieurs pays africains.

Le Dr Roger Etoa, médecin de santé publique au Cameroun, explique que les essais cliniques du vaccin du BCG ne feront pas des populations des « cobayes » comme le prétendent certains « populistes ». « Il s’agit d’un vaccin utilisé au Cameroun et ailleurs en Afrique contre la tuberculose ». Après l’enfance, explique-t-il, « il est recommandé de prendre un rappel de ce vaccin tous les 10 ans. Or 99% des Camerounais ne le font pas. Ce aurait fait coup double : Protection contre la tuberculose (utilité initiale) et potentielle protection contre le coronavirus ».

Ce médecin camerounais rejoint ainsi l’immunologue Yvonne Mburu interviewée par le magazine panafricain Jeune Afrique. La Kenyane, membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), créé par le président français Emmanuel Macron, soutient que « si cette étude devait prouver que le vaccin BCG a un effet protecteur sur le système immunitaire [contre le Covid-19], cela serait une bonne nouvelle pour l’Afrique parce que ce vaccin y est largement disponible, et parce que la quasi-totalité de la population y est déjà vaccinée ».

Préparer les esprits

Dans tous les cas, les autorités et les sociétés civiles africaines devraient « ajuster la communication de crise pour préparer les esprits à accepter les solutions qui pourraient émerger des laboratoires africains, européens, asiatiques ou américains », suggère le Camerounais Joseph Lea Ngoula, chargé de la veille et de l’analyse politique à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Les essais cliniques sont une étape indispensable pour mesurer l’efficacité des médicaments curatifs ou préventifs. Selon le Dr Michel Yao, responsable des opérations d’urgence de l’OMS pour l’Afrique, « plus on a de pays qui participent à la recherche, plus nous disposerons d’un nombre de données significatives, recueillies dans des contextes différents, qui nous permettront de valider ce qui a été entamé par des recherches préliminaires ».

Dans une version plus longue de la vidéo polémique, le Pr Camille Locht indique que l’Inserm propose une étude à grande échelle menée dans plusieurs pays étrangers, coordonnée avec le même type de protocole, le même type de vaccin (parce qu’il y a plusieurs BCG différents) et avec le même type de placébo.

BE

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