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Cabral Libii : un jeune loup aux dents longues

Cabral Libii : un jeune loup aux dents longues

Paru le mercredi, 06 juillet 2022 07:51

Dans l’environnement camerounais, Cabral Libii passe pour être un homme politique précoce. À 38 ans, il est devenu, en octobre 2018, le plus jeune candidat à une élection présidentielle depuis le retour au multipartisme au Cameroun en début des années 1990. À cette élection, il fait d’ailleurs bonne figure. Le jeune nouveau a en effet terminé troisième avec 6,28% des suffrages exprimés, derrière Paul Biya du RDPC (71,28) et Maurice Kamto du MRC (14,23), mais devant Joshua Osih (3,35), candidat du SDF, parti historique et ancien leader de l’opposition.

Lancé en politique après avoir quitté la rédaction de Radio Campus en juillet 2017, Cabral Libii est parvenu à bousculer les lignes de la nomenklatura politique au terme des échéances électorales, alors qu’il n’était pas nombreux à miser un kopeck sur cet ambitieux. Il le doit notamment au capital sympathie acquis grâce à ses interventions remarquées dans les médias.

Fort de cette popularité, il commence par lancer le mouvement « 11 millions d’inscrits ». Accusé de faire le jeu du parti au pouvoir, Cabral échoue à convaincre les Camerounais à s’inscrire sur le fichier électoral. On compte en effet moins de 7 millions d’inscrits lors des élections qui vont suivre. Mais, le mouvement permet au juriste de créer une dynamique jeune autour de sa personne dont il sert comme rampe de lancement.  

Effet Macron

Quelques années plus tard, le voilà aux commandes du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN). Cette formation politique, inconnue du grand public il y a encore quelques années, est aujourd’hui représentée au Parlement avec cinq députés et contrôle sept mairies, depuis les élections législatives et municipales de février 2020. Cabral Libii a lui-même fait son entrée à l’Assemblée nationale. Ce succès a cependant été favorisé par la disqualification de l’Union des populations du Cameroun (UPC) par le Conseil électoral d’Elecam, structure en charge de l’organisation et de la gestion matérielle des consultations électorales et référendaires. 

Aux curieux qui veulent savoir jusqu’où il veut aller, le doctorant ne fait aucun mystère en désignant le palais d’Etoudi. « Emmanuel Macron, Révolution », le livre programme du président français, arrivé au pouvoir à moins de 40 ans en 2017, est soigneusement rangé dans un coin de sa bibliothèque comme pour provoquer le destin. 

Tout laisse croire que cette envie de diriger le Cameroun n’est pas une simple lubie politique. Le Camerounais force la comparaison avec d’autres quadras influents de la scène politique sur le continent. Dans ce club fermé de jeunes chefs de partis qui se sont faits une place dans le marigot politique, on retrouve le Sénégalais Ousman Sonko, le Sud-africain Mmusi Maimane, le Tchadien Succès Masra et le Zimbabwéen Nelson Chamisa. Comme Cabral Libii, tous ces hommes ont la particularité d’être bien structurés, éloquents, forts en thèmes et redoutables débatteurs. Ils sont aussi présentés comme des phénomènes médiatiques hors pair.

Défis

Au Cameroun, chaque sortie de Cabral Libii est scrutée sur les réseaux sociaux. Entre approbation et désapprobation, le député ne laisse personne indifférent, surtout quand il s’exprime sur un sujet qui recèle un véritable enjeu national. Sa sortie sur la cession controversée d’une mine d’or à un major chinois dans la région du Sud a par exemple provoqué une campagne de communication du ministère des Mines. Objectif : répondre aux « 10 mensonges » de Cabral Libii et autres.

En attendant la présidentielle de 2025, celui qui rêve d’un fédéralisme communautaire pour le Cameroun, trace son sillon avec plus ou moins de succès. Il faut dire que les crises ne manquent pas. Dans son fief du Nyong-et-Kelle, le président du PCRN peine à ramener la paix entre le maire et une partie des conseillers municipaux qui bloquent le fonctionnement de la commune.

Avec le revers essuyé lors des régionales de décembre 2020, Cabral Libii est lui-même convaincu que pour espérer faire mieux qu’en 2018, il faut remettre de l’ordre dans les rangs. D’où la création, en 2022, d’un Comité de suivi des collectivités territoriales décentralisées contrôlées par le parti. Le parlementaire souhaite aussi affiner son offre politique lors du congrès prévu au mois de décembre. Mais, il faudra aussi convaincre les Camerounais, encore nombreux, qui doutent de la sincérité de la démarche du chef du PCRN. Ceux-ci pointent notamment sa proximité avec le ministre Jacques Fame Ndongo, un des caciques du RDPC (au pouvoir), ou la disqualification de l’UPC qui a profité à son parti lors des élections législatives et municipales.

Michel Ange Nga    

Dernière modification le dimanche, 10 juillet 2022 11:24

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