L’actuel président de l’Assemblée nationale (PAN) est l’un des parlementaires les plus anciens du pays. Au contraire du président du Sénat, ce dernier a effectué une majeure partie de sa vie professionnelle comme élu de la Chambre basse. Né en 1940, Cavaye Yeguie Djibril devient député pour la première fois en 1973. Après une parenthèse de quatre ans comme adjoint au préfet du Diamaré, dans l’Extrême Nord, il revient à l’Assemblée nationale en 1992. Il n’a plus jamais quitté le parlement et est, depuis cette date, le président de l’Assemblée nationale.

Cette position fait du lamido de Mada, dans le Mayo-Sava à l’Extrême-Nord, la 3e personnalité du pays et le véritable tenant du pouvoir législatif. Malgré la mise en place du Sénat, à l’analyse de la navette parlementaire, dans l’essentiel des cas, les textes de loi sont en dernier ressort soumis à l’examen de l’Assemblée nationale. Mais plutôt que de contrôler l’action du gouvernement, le chef traditionnel s’est davantage positionné en soutien de l’exécutif. En une trentaine d’années au perchoir, la moindre proposition de loi n’a jamais été examinée et la seule demande de commission d’enquête parlementaire qui a prospéré concerne l’ancien ministre des Postes et Télécommunications Mounchipou Seidou. C’était en 1999. Depuis plus rien ! Et pourtant, les demandes ne manquent pas.

La discipline du parti, chère au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), n’est pas étrangère à cet état de choses. Le président de l’Assemblée nationale est d’ailleurs membre du bureau politique du RDPC, instance chargée d’assister le président national, Paul Biya que Cavaye Yeguie Djibril considère d’ailleurs comme son « patron ». Pour des observateurs avertis, c’est en partie à cette loyauté que cet ancien professeur d’éducation physique devrait d’ailleurs sa longévité à la présidence de la Chambre basse.

Mais à chaque élection, le renouvellement du mandat de la troisième personnalité du pays n’a jamais été acquis d’avance tant Cavage est souvent contesté par la base. Les dernières élections législatives ont été particulières pour le PAN. Car la menace est venue du sommet du parti. « Pour tenir compte des évolutions démographiques et sociologiques de notre pays, il est recommandé d’encourager l’émergence de nouvelles figures et de privilégier l’esprit de partage ». Derrière cette prescription du président national du RDPC, certains, jusqu’à dans son entourage, y ont vu une volonté d’écarter le chef traditionnel de Mada. Mais plus de peur que de mal : à 80 ans, Cavaye Yeguie Djibril trône toujours au perchoir.

AO