Après avoir joué les porte-voix des revendications des régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord (grand-Nord), notamment à travers son journal L’Œil du Sahel, Guibai Gatama se pose aujourd’hui en « berger » des « moutons (expression utilisée par lui-même, NDLR) » du Grand-Nord. Depuis un certain temps, des journaux camerounais lui prêtent l’intention de préparer sa candidature pour la présidentielle de 2025. « Moi candidat ? On ne peut jamais dire jamais… Mais mon engagement n’est pas motivé par des ambitions personnelles. Mon objectif est de permettre au Grand Nord de prendre sa place sur la scène politique nationale dans un esprit démocratique et républicain », réagit-il.
Toujours est-il que le journaliste a officiellement lancé le Mouvement 10 millions de Nordistes par un post sur sa page Facebook en fin juin 2020. Ce nom de baptême renvoie à l’effectif de la population des trois régions septentrionales du Cameroun, selon le dernier recensement. Ces régions pèsent par ailleurs plus de 35% des inscrits au fichier électoral national.
La sortie musclée du ministre de l’Administration territoriale, le 18 novembre 2020, contre l’initiative du directeur de publication de L’Œil du Sahel a révélé la crainte que son projet suscite au sein de l’opinion et dans les cercles dirigeants, même des régions septentrionales. Ce jour-là, le ministre Paul Atanga Nji interdit d’activité le Mouvement 10 millions de Nordistes. En plus de ne pas avoir une existence légale, le gouvernement soutient que ses activités « portent gravement atteintes à l’unité nationale et à la cohésion pacifique entre les différentes communautés nationales ».
Pour Guibai Gatama, le Mouvement 10 millions de Nordistes est « une initiative apolitique visant à promouvoir les intérêts du Grand-Nord dans un esprit républicain ». C’est l’écume. En lame de fond, le journaliste est soupçonné, non sans raison, de se servir de ce mouvement pour repositionner les régions septentrionales dans le jeu de la succession à la tête de l’État. « Moi, je rigole seulement quand on me rétorque qu’un Nordiste ne peut pas succéder à Paul Biya, simplement parce que Paul Biya a succédé à un Nordiste », écrit-il sur son compte Facebook, le 30 septembre 2020, comme pour confirmer les soupçons.
Très suivi par la population du Grand-Nord qui estime être le parent pauvre du Renouveau, Guibai Gatama travaille d’ailleurs aujourd’hui à transformer le Mouvement 10 millions de Nordistes en une force électorale. « “Un Nordiste, une carte d’électeur”, voici notre slogan de cette année et même jusqu’en 2025… », harangue-t-il ce 3 janvier 2021 sur Facebook. Au bénéfice de qui ? La prochaine présidentielle qui se tient, normalement, dans moins d’un an permettra certainement de répondre à cette question.
L.A.