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Jean Michel Nintcheu : le frondeur de Douala

Jean Michel Nintcheu : le frondeur de Douala

Paru le mercredi, 26 octobre 2022 17:58

Décembre 2020, Jean-Michel Nintcheu est placé à la tête de la « Commission Action ». C’est le groupe de travail chargé de préparer la stratégie de relance du Social Democratic Front (SDF), dont le nombre de représentants à l’Assemblée nationale a chuté de 43 sièges en 1996 à 5 députés élus à l’issue du scrutin de février 2020. En perte de vitesse, l’enjeu est vital pour le parti de la balance. Le député de 63 ans tient l’occasion inespérée pour changer le cours des choses et marquer les esprits dans ce contexte d’alternance politique. Lui qui, depuis des années, revendique à cor et à cri le retour au SDF originel des années 90. C’est-à-dire une opposition frondeuse, dissidente, révolutionnaire, voire insurrectionnelle. « Notre parti a construit sa réputation sur une opposition frontale avec le régime. Nous devons retourner à cette stratégie », clame-t-il. 

Si la base populaire du SDF semble adhérer à cette vision jadis incarnée par Ni John Fru Ndi, la démarche de Jean Michel Nintcheu n’est pas du goût d’une franche de l’establishment du SDF avec pour tête de proue son rival de toujours, le député Joshua Osih, actuel premier vice-président du parti. Ce dernier défend l’idée d’une opposition « républicaine » et fait feu de tout bois pour barrer la voie à ce camarade et ambitieux collègue parlementaire.

La trame de fond de ce conflit à fleurets mouchetés est la succession de Ni John Fru Ndi (81 ans). Après plus de trois décennies de règne sans partage, trois présidentielles perdues face à Paul Biya (1992, 2004, 2011), le patriarche de Ntarikon a officialisé son intention de quitter la tête du parti. Dans la bataille pour le contrôle de cet appareil politique, Nintcheu semble avoir perdu le soutien de Ni John Fru Ndi qui affiche ouvertement une préférence pour Joshua Osih. D’ailleurs, les dernières nominations validées par le chairman du SDF consacrent l’entrée de nombreux partisans de Joshua Osih au sein du Shadow Cabinet et du NEC. Ces mêmes actes éliminent plusieurs cadres du parti proches de Jean Michel Nintcheu.

Popularité

Toujours est-il qu’après 30 ans d’activisme et d’engagement politique sous la bannière du SDF, la popularité de Jean Michel Nintcheu reste intacte à Douala, la capitale économique à la réputation de ville frondeuse. La percée du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto (avec qui il met un point d’honneur à soigner les rapports) dans le Littoral et la perte d’influence de son parti le SDF, ne semblent pas avoir entamé la capacité de mobilisation de ce parlementaire qui reste des plus enviables dans la circonscription du Wouri-Est.

Fils d’un ancien combattant de l’Union des populations du Cameroun (UPC), Nintcheu est un activiste né. « À 16 ans, alors qu’il était encore élève, il s’est fait arrêter puis libérer en 1975, pour avoir distribué des tracts de l’UPC nationaliste », raconte un de ses proches. Le 23 février 2008, c’est encore Jean Michel Nintcheu qui initie un meeting pour marquer son opposition à la modification de la Constitution et à la lutte contre la vie chère, matérialisée par la hausse des produits de première nécessité. Ces événements aboutiront aux « émeutes de la faim », observées dans plusieurs villes du Cameroun. Depuis lors, la plupart des manifestations publiques, organisées ou soutenues par ce diplômé de l’École de commerce de Toulouse (France 1984), sont interdites par les autorités administratives pour risque de trouble à l’ordre public.

Bourreau de Foning

En 2007, c’est bien lui qui bat feue Françoise Foning, la redoutable candidate du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au terme de la reprise des législatives dans cette circonscription électorale. Quatorze ans plus tard, il garde le lead puisqu’il est à nouveau choisi comme député par ces populations du Wouri-Est.

Dans tous les cas, dans la rue comme à l’hémicycle, cet « Upéciste manqué » s’accommode mal de la posture de l’opposition « républicaine », dont le fondement est la convivialité institutionnelle avec le RDPC. Certains membres du gouvernement l’ont souvent appris à leurs dépens lors des questions orales à l’Assemblée nationale. Et ce n’est pas Louis Paul Motaze, ministre des Finances, encore moins Manaouda Malachie de la Santé publique qui diront le contraire.

Selon lui, il en sera ainsi tant que la lutte pour le changement n’aura pas atteint son objectif. « La plupart des régimes africains ont changé, seul le Cameroun est toujours dans l’inertie. Je me battrai jusqu’à mon dernier souffle pour faire changer ce système », promet le natif de Banka dans le Haut-Nkam, région de l’Ouest. Cet ancien du collège Saint-Michel de Douala et du lycée Polyvalent de Bonaberi croit assurément à son destin !

Baudouin Enama

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