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Parlement : Ces affaires qui fragilisent Cavaye à la veille du renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale

Parlement : Ces affaires qui fragilisent Cavaye à la veille du renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale

Paru le mardi, 12 mars 2024 14:27

La session parlementaire de mars qui s’est ouverte le 5 mars dernier va marquer un arrêt important dans quelques jours pour l’élection de renouvellement du bureau des deux Chambres, le Sénat et l’Assemblée nationale. Que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, cette élection des deux présidents jusqu’ici en exercice présente un enjeu. À 89 ans, Marcel Niat Njifenji se présente presque toujours très affaibli au perchoir et délègue la direction des plénières à son vice-président. Quant à l’Assemblée nationale, en plus de l’âge du « Très honorable » Cavaye Yéguié Djibril, c’est l’accumulation de scandales liés à sa personne qui soulève la question de son management de la Chambre, et par voie de conséquence, celle du changement de la première personnalité de cette institution.

Rendez-vous manqué

Après une année 2023 où l’institution a rythmé l’actualité, non pas pour son rôle de vote des lois et de contrôle de l’action gouvernementale, mais plutôt par des scandales financiers, administratifs et des batailles de positionnement autour de Cavaye Yéguié Djibril, ce dernier a tenté de se repositionner sur le plan politique. Échec.

Dans son l’Extrême-Nord natale, Cavaye Yéguié Djibril, influent membre du bureau politique du RDPC au pouvoir, a tenté d’organiser un méga meeting politique sur le thème des « Actions de lutte contre la famine dans le septentrion du Cameroun ». Tout le gratin politique et administratif des trois régions septentrionales était invité le 14 février dernier à Maroua. Malheureusement, le projet a été stoppé net par la présidence de la République. Dans une lettre du 9 février, le Secrétaire général de la présidence de la République informe que le chef de l’État a instruit l’annulation, pure et simple, de ce meeting. Cavaye Yéguié Djibril, 32 ans au perchoir, est ainsi forcé d’annoncer le report de l’évènement à « une date ultérieure ».

Désordre

Ce revers illustre la position délicate dans laquelle se trouve le député de Mada (arrondissement de Tokombéré). Interdit de se déployer hors de l’Assemblée nationale, Cavaye Yéguié Djibril est également à la peine dans sa propre Chambre.

Comme pour confirmer les interrogations de l’opinion sur la capacité de Cavaye Yéguié Djibril à diriger sereinement l’Assemblée nationale, la doyenne d’âge, lors de son discours d’ouverture de la session de mars, a révélé le grand désordre qui règne dans cette Chambre. Pour la doyenne Koa Mfegue, les quatre dernières années à l’Assemblée nationale se sont illustrées par un absentéisme chronique des députés aux sessions qui en rajoutait à un climat délétère déjà visible dans cette institution. « C’est au forceps que nous atteignions parfois le quorum requis pour la tenue de nos séances », a déclaré la doyenne après avoir constaté que les députés s’illustraient plus par « l’intrigue, la délation, les dénonciations calomnieuses souvent par réseaux sociaux interposés, les guerres de positionnement, l’affairisme et la recherche effrénée de l’argent ».

Une sortie qui a courroucé plus d’un député, notamment l’élu PCRN Cabral Libii qui a dénoncé « l’espièglerie » de la doyenne d’âge. Sous anonymat, un député RDPC rejette ces récriminations et pointe : « ayons le courage de poser le bon diagnostic. Pourquoi la tendance actuelle est au boycott des séances ? C'est parce qu'il y a un malaise général. Un découragement. Un dépit. Les députés, dans leur majorité et quelles que soient les chapelles politiques, vivent d’incroyables frustrations et injustices. Un cas simple : l’éternel Problème des assurances. Les combines dans l’attribution des missions à l’étranger, le refus d’acheter les véhicules 4x4 à tous les députés, le saucissonnement du budget attribué à l’hôtel des députés ».

Sur cette posture de la doyenne, le président du Front républicain, Aloys Parfait Mbvoum, note qu’i n’y a rien de nouveau, car, « ce n’est pas la première fois qu’elle le fait. Elle l’avait déjà fait l’année dernière ». D’ailleurs, au fil des sessions, le président Cavaye Yéguié a très souvent décrié cet absentéisme de ses députés, sans que ceux-ci se sentent concernés par ses multiples rappels à l’ordre. Un air de défiance qui, de l’avis d’observateurs, illustre le peu de main mise que ce président de l’Assemblée nationale a désormais sur cette la marche de cette institution.

Scandales à répétition

Depuis le début de l’actuelle législature, en mars 2020, les affaires qui émanent du Cabinet du « Très honorable président » font les choux gras de la presse et tiennent la Toile en haleine. Le bal des secrétaires généraux de cette Chambre du Parlement illustre non seulement des batailles pour le contrôle de la gestion de l’institution, mais aussi les rapports difficiles entre le secrétariat général et le Cabinet du président. Pour le journaliste et analyste politique Njiki Fandono, ces batailles se multiplient à mesure que diminue l’emprise de Cavaye Yéguié Djibril, 84 ans dont 32 ans au perchoir, sur la gestion de la Chambre. « Il est fatigué. Il n’a plus la maîtrise des troupes. Si pour nommer son SG, il y a autant de grabuge, c’est qu’il ne tient plus grand-chose. À la manœuvre, ce n’est plus lui », commente-t-il.

En cinq ans en effet, le président de l’Assemblée nationale (PAN), Cavaye Yéguié Djibril, a nommé trois secrétaires généraux : Geoffrey Désiré Mbock suspendu un an après avoir été nommé, Gaston Komba, débarqué après un désaccord avec le PAN sur la gestion du dossier d’assurance du personnel de la Chambre, puis André Noël Essian nommé après que le poste soit resté vacant près de deux ans. Ce dernier est d’ailleurs nommé dans la foulée d’un imbroglio administratif autour du remplacement du très influent directeur de Cabinet du PAN. L’affaire commence début novembre 2023, une fuite de document révèle que Cavaye Yéguié Djibril a choisi de se séparer de son Dircab, Boukar Abdourahim, en nommant un nouveau. Le texte est lu sur les antennes de la CRTV, la chaine audiovisuelle publique. Quelques heures après, un autre document signé du même PAN dément le premier. Finalement, l’influent Boukar Abdourahim ne sera pas remplacé. Et près de six mois après, on ne sait toujours pas qui a signé l’arrêté présidentiel remplaçant Boukar Abdourahim.

Inaptitude ?

D’après l’analyste politique cité supra, tout cela démontre « l’inaptitude physique et somatique du président de l’Assemblée nationale à assumer des fonctions aussi épuisantes ». Car selon lui. « Ce sont des choses qui n’auraient jamais dû arriver ».

À ce désordre administratif, il faut ajouter une gestion financière pour le moins troubles. En 2023, des sources révèlent que l’Assemblée nationale cumule une dette de plus de 22 milliards de FCFA. Une ardoise si énorme que le député questeur Abba Kabbir Kamsouloum s’est vu obligé d’alerter le PAN. « La question fondamentale est celle de l’inopérabilité du président. On a l’impression que le président actuel n’arrive pas à remplir valablement ses fonctions dans la conduite de cette institution », analyse le politologue Aristide Mono pour qui « on commence à questionner l’opportunité et le bien-fondé de son ‘’éternalisation’’ à la tête de cette institution ».

Cependant, cet analyste temporise : « Au-delà de l’élégance républicaine qui voudrait qu’il y ait une certaine mobilité du personnel à la tête des institutions, il n’y a pas un réel problème avec la question du maintien ou pas du Pan actuel ». Le problème serait simplement son « efficacité et sa capacité » à gérer la Chambre.

Pour Aloys Parfait Mbvoum, il n’y a pas à attendre grand-chose d’un nouveau président avec le même système politique. « Est-ce qu’avec un nouveau président, il y aura plus de visibilité, plus de travail, plus d’engagement, plus responsabilité ? », interroge-t-il. À l’en croire, « aucun profil appartenant au RDPC (le parti au pouvoir ultra-majoritaire dans la Chambre) ne peut faire bouger les lignes. Ce qu’il faut, c'est un électrochoc politique ». Il déplore d’ailleurs le fait que la majorité obèse du RDPC ne permette pas de choisir librement un président de l’Assemblée nationale. Dans la pratique, les élus du parti au pouvoir, sont convoqués au siège du parti quelques heures avant le vote prévu. Le secrétaire général les y communique les noms des membres du bureau à voter tels que sortis d’une enveloppe venant de la présidence de la République.

Il faut cependant noter que de l’avis de plusieurs observateurs, il est peu probable qu’un changement aussi important que le remplacement du « très honorable », après 32 ans au perchoir, puisse intervenir à un an de la fin de l’actuelle législature.

Ludovic Amara

Dernière modification le mardi, 12 mars 2024 16:23

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