Le service de la communication de l’Ambassade de France au Cameroun fait savoir que Jean-Marc Berthon ne fera plus, comme prévu, le voyage de Yaoundé à la fin de ce mois. À cause du tollé suscité par la visite programmée de l’ambassadeur aux droits des personnes LGBT+ (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et plus) nommé en fin d’année dernière par le président français Emmanuel Macron au Cameroun, Paris s’est vu obligé d’annuler cette visite de cinq jours.
« Il était seulement question de discuter avec les autorités camerounaises sans toutefois vouloir imposer nos valeurs », explique l’ambassade de France au Cameroun, visiblement surprise par la protestation causée par l’annonce de cette visite. Dans ce sens, Thierry Marchand, l’ambassadeur français en poste à Yaoundé, a proposé à Lejeune Mbella Mbella, le ministre camerounais des Relations extérieures, d’accorder une audience à Jean-Marc Berthon dans la matinée du 29 juin prochain. Une proposition rejetée.
« Il est bon de rappeler que la position du gouvernement camerounais sur les définitions du genre, de l’orientation et de l’identité sexuelle au Cameroun est claire et dénuée de tout débat. Il n’est pas possible de parler de personne LGBT+ au Cameroun. Le fait est ainsi qualifié de crime de droit commun par l’article 347-1 de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal du Cameroun », écrit Lejeune Mbella Mbella dans une correspondance qu’il adresse à son collègue de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji.
Conférence-débat
De même, Lejeune Mbella Mbella ajoute que le gouvernement exprime des réserves au sujet de la conférence-débat sur les définitions du genre, de l’orientation et de l’identité sexuelle programmée à l’Institut français du Cameroun (IFC). Cette conférence-débat était présentée comme le clou de la visite annoncée de Jean-Marc Berthon au Cameroun.
En réaction à cette opposition, la représentation diplomatique française à Yaoundé fait savoir que le but de la visite de l’ambassadeur français aux droits des personnes LGBT+ n’était pas de faire la promotion de l’homosexualité. Encore moins de créer une polémique comme c’est actuellement le cas. À en croire cette même source, tout ceci est arrivé à cause de l’exploitation « malveillante » de la correspondance de Thierry Marchand à Lejeune Mbella Mbella, qui a involontairement fuité sur les plateformes sociales.
C’est effectivement cette lettre qui a mis le feu aux poutres en déclenchant une véritable levée de boucliers au sein de la population camerounaise. Pour formuler l’opposition des Camerounais, quelques personnalités et même des universitaires comme l’historien Joël Narcisse Meyolo sont montés au créneau. Il a à cet effet comparé la visite annoncée de Jean-Marc Berthon à une provocation. Una campagne pour dire « non à la promo LGBT+ au Cameroun » a très rapidement prospéré sur les réseaux sociaux. Cette campagne est accompagnée de la consigne : « Berthon reste chez toi ».
Plus grave, ce ramdam a parfois ravivé le sentiment anti-français, comme le faisait déjà remarquer le politologue Njoya Moussa : « quand la Chine vient avec les projets infrastructurels, l’Inde avec des projets agricoles, le Japon avec des écoles primaires, l’Allemagne avec la coopération universitaire de haut niveau, la Russie avec la coopération sécuritaire de pointe, tout ce que la France nous propose, c’est la promotion de l’homosexualité ! Et après, ils vont s’étonner du “sentiment anti-français” ».
Porte-voix des LGBT+
Au final, Jean-Marc Berthon enregistre au Cameroun l’une de ses premières grandes déconvenues depuis sa nomination en novembre 2022. En créant cette fonction, qui n’existait pas depuis le début de la cinquième République, Emmanuel Macron avait en tête de trouver un porte-voix de la France pour militer en faveur de la dépénalisation universelle de l’homosexualité et de la transidentité. Pour cette mission, son choix s’est porté sur un de ses anciens conseillers à l’Élysée, qui a un temps dirigé le cabinet de Marlène Schiappa, ci-devant secrétaire d’État à la citoyenneté.
Le cahier de charges de Jean-Marc Berthon prévoit aussi que ce dernier coordonne l’action du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour la protection contre les discriminations et la promotion des droits LGBT + dans le monde. Il se félicitait, avant toute cette bourrasque, sur son compte Twitter, de ce que l’Estonie vient d’autoriser le mariage entre personnes de même sexe. « Une belle lumière » qui vient de la Baltique, commentait alors le diplomate français.
En début d’année par contre, lors d’un entretien sur France 24, il rappelait que le combat était encore loin d’être gagné. Car 67 pays dans le monde pénalisent encore l’homosexualité. En plus, d’une manière générale, 50% des LGBT+ admettent déjà avoir été agressés verbalement, même en France.
Michel Ange Nga
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