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Faux : le Ndolè n’a pas été inscrit au « patrimoine mondial » de l’Unesco

Paru le jeudi, 06 avril 2023 16:29

« Depuis hier le NDOLE ce met Emblématique, fierté du CAMEROUN, est désormais inscrit au PATRIMOINE MONDIAL de l’UNESCO. Depuis hier je suis excité comme une puce ici en FRONCE (sic) », écrit un influenceur culinaire camerounais bien connu sur les réseaux sociaux dans un post Facebook daté du 5 avril. La publication cumule plus de 4 700 likes et près de 100 partages. Le même post est publié sur son compte Twitter, où il a été visionné plus de 33 000 fois et retweeté près de 200 fois. La même information est également relayée par d’autres publications sur Facebook (1234…). Cette publication suscite des commentaires enthousiastes d’internautes.

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SBBC a vérifié cette information et l’a trouvé fausse

« C’est juste une rumeur, un rêve que, tous, nous voulons voir se réaliser un de ces jours. On a un patrimoine culturel exceptionnel, original et très riche. Mais on ne se lève pas un beau matin pour dire qu’on a inscrit un bien ou un élément sur les listes de l’Unesco », a déclaré à SBBC le Directeur du patrimoine culturel au ministère des Arts et de la Culture (Minac), Marie Thierry Edjoa Ndjell.

Elle apporte les précisions suivantes : « L’art culinaire s’inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, et non pas sur la Liste du patrimoine mondial. La Liste du patrimoine mondial n’intègre que le patrimoine culturel matériel : il s’agit des sites, monuments, paysages culturels, etc., ayant une valeur universelle exceptionnelle. Le patrimoine culturel immatériel, qui regroupe les danses, les festivals, l’art culinaire, les pratiques sociales, les savoir-faire et les rituels culturels… s’inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ».

Selon l’Unesco, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, « le patrimoine mondial est une appellation attribuée à des lieux ou des biens, situés à travers le monde, possédant une valeur universelle exceptionnelle. À ce titre, ils sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial afin d’être protégés pour que les générations futures puissent encore les apprécier à leur tour ». Le patrimoine culturel immatériel, parfois appelé « patrimoine culturel vivant », désigne quant à lui « des pratiques, représentations et expressions, des connaissances et savoir-faire que les communautés et les groupes et, dans certains cas, les individus, reconnaissent comme partie intégrante de leur patrimoine culturel », indique l’agence onusienne.

Ledit patrimoine concerne les domaines suivants : les traditions et expressions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers, les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel, selon la même source. A ce jour, le Cameroun compte deux biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial : la Réserve de faune du Dja (1987) et le Trinational de la Sangha (2012), parc naturel partagé avec le Congo et la République centrafricaine (RCA). Le pays compte également 18 sites sur la Liste indicative, qui est un inventaire des biens que chaque État-partie a l’intention de proposer pour inscription, comme on peut le voir dans ce lien. Le Ndolè ne figure pas sur cette liste.

Le « Nguon » et le « Ngondo » en quête de reconnaissance mondiale

« Nous rêvons tous de voir nos savoir-faire culinaires, et pas seulement le Ndolè, inscrits sur cette liste. Mais ce n’est pas encore le cas. Nous y travaillons avec les communautés parce que ce sont elles qui inscrivent les éléments de leur culture. Un peu comme la communauté Bamoun qui a porté le Nguon et consenti à son inscription. L’évaluation et les résultats sont prévus cette année, nous croisons les doigts. Les Sawa ont, quant à eux, porté l’inscription du Ngondo et le dossier a été déposé la semaine dernière à l’Unesco. Nous sommes en attente d’une éventuelle inscription en 2024 », affirme Marie Thierry Edjoa Ndjell.

Le Cameroun a transmis le dossier du Nguon à l’Unesco en mars 2022 pour que ce festival du peuple Bamoun soit inscrit sur la Liste représentative du patrimoine mondial. Le dossier du Nguon est notamment constitué des monuments, des collections d’objets, des traditions et des expressions vivantes héritées des ancêtres et transmises aux descendants. « Il s’agit du premier élément national que le pays soumet pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité », selon le ministre des Arts et de la Culture, Bidoung Mkpatt.

Autre élément qui prouve que l’information selon laquelle « le Ndolè a été inscrit au patrimoine mondial » est erronée : nous n’avons rien trouvé de tel sur le site Internet de l’Unesco, encore moins sur ses pages sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter. Aucune communication officielle n’a par ailleurs été faite dans ce sens par les autorités publiques. Par ailleurs, aucun média réputé n’a rapporté cette information. Dans les commentaires, certains internautes ont tôt fait de souligner qu’il s’agit d’une « fake news », attribuant cette information à un canular ou une plaisanterie qu’on fait le 1er avril.

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Le Ndolè est un plat ancestral de la région du Littoral qui jouit d’une renommée nationale et internationale. Il fait partie des « 14 traditions culinaires » sélectionnées par le Cameroun pour leur protection à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), dans le cadre d’un projet sur la propriété intellectuelle et le tourisme gastronomique initié par l’OMPI, comme on peut le lire ici. Mais le Cameroun espère voir ce plat emblématique figurer un jour sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

« En perspective, le Cameroun envisage d’inscrire d’autres éléments représentatifs des autres aires culturelles du Cameroun, notamment l’élément culturel “mvet” pour l’aire culturelle Fang-Beti et les “fantasia” de l’aire soudano-sahélienne. À la suite de ces éléments culturels dont l’inscription est déjà amorcée, on pourra penser plus sérieusement à l’inscription du Ndolè », confie le Directeur du patrimoine culturel.

Patricia Ngo Ngouem

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