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Partis politiques : comment la guerre Osih-Nintcheu menace de faire imploser le SDF

Partis politiques : comment la guerre Osih-Nintcheu menace de faire imploser le SDF

Paru le lundi, 27 juin 2022 18:32

La guerre de leadership entre les députés Josuah Osih et Jean Michel Nintcheu est au cœur de la crise qui secoue en ce moment le Social democratic Front (SDF). Des cadres du parti contestent les nominations du président national Ni John Fru Ndi, publiées le 16 juin dernier. Au-delà des problèmes juridiques évoqués, ils accusent le 1er vice-président Osih d’être le véritable artisan de ces décisions avec en ligne de mire le prochain congrès. Prévu en 2023, ce conclave doit déboucher sur l’élection d’un nouveau leader, Fru Ndi ayant annoncé sa retraite politique en février 2021.

Emmanuel Ntonga, président régional du SDF pour le Centre : « le Chairman est fatigué. Il ne gère plus. C’est le vice-président qui gère ».

« D’après les textes, le congrès prévu est en février 2023. Si Osih va aujourd’hui contre Nintcheu, il sera battu. C’est pour cela qu’il fait nommer des gens dans le Shadow Cabinet (gouvernement parallèle au SDF, NDLR) et dans le NEC (National Executive Committee), bureau politique du parti, NDLR), car ce sont eux qui auront le pouvoir de voter », soutient le président régional du SDF pour le Centre, contacté par SBBC. D’ailleurs pour Emmanuel Ntonga, « le Chairman est fatigué. Il ne gère plus. C’est le vice-président qui gère ».

Les dernières nominations ont en effet consacré l’entrée de nombreux partisans de Joshua Osih au sein du Shadow Cabinet et du NEC. Tandis que les mêmes actes éliminaient les proches de Jean Michel Nintcheu, président régional SDF pour le Littoral et grand rival de Osih dans la course pour la succession de Fru Ndi, desdites instances.  

Controffensive

En guise de contre-attaque, une déclaration a été publiée le 22 juin dernier. On y apprend qu’une « réunion de crise » s’est tenue ce jour-là à Mbouda (région de l’Ouest) à laquelle aurait pris part, en présentiel et par une vidéoconférence, une trentaine de cadres du parti. Le document cite notamment Jean Michel Nintcheu ; Jean Tsomelou, remplacé à la tête du secrétariat général du SDF par Adeline Lord Djomgang, députée suppléante de Joshua Osih ; ou encore Jean Robert Wafo, proche de Nintcheu, éjecté du « ministère de la communication » du SDF.

Joshua Osih, 1er vice-président : « Quand des gens sont dans le maquis, n’appelez pas cela la guerre. C’est du terrorisme, ce n’est pas la guerre. Que les gens viennent lors des réunions statutaires »

Les participants à cette « réunion » disent avoir constaté que « certaines personnes nommées au sein du NEC ne remplissent pas les conditions de cinq ans d’ancienneté requises et ne sont même pas militants du parti ». Pour eux, les nominations du Chairman n’ont non plus respecté le « principe des consultations ». « Ces consultations n’ont jamais été faites, que ce soit dans les comités exécutifs régionaux ou au niveau de la cellule des conseillers », indiquent-ils. Ce qui représente « une entorse à la procédure de nomination des membres de cet organe ». Pour cela, ces derniers demandent, entre autres, de rapporter les nominations et de convoquer une réunion du NEC qui fixera la date du prochain congrès électif.

Contacté par SBBC, le 1er vice-président Osih soutient d’abord que cette « réunion » ne s’est tenue que sur Whatsapp et non à Mbouda comme déclaré dans le compte rendu. « Si jamais des gens se sont réunis, comme ils ont dit dans leur truc, c’est leur droit le plus absolu. Il n’y a aucun document signé. Si des gens veulent se plaindre de quoi que ce soit, c’est une bonne chose. Maintenant la plateforme pour en débattre ce sont les comités ».

Présidentielle de 2018

Il ajoute par ailleurs que les participants à cette rencontre ne se sont pas présentés lors des réunions du NEC au cours desquelles les cooptations querellées ont été décidées. « Ils prétendent être du NEC, mais on a eu une réunion et ils n’y étaient pas. C’est un peu surprenant que vous ayez des problèmes, mais vous ne venez pas où il faut en débattre et passer par les réseaux sociaux pour mettre le sujet sur la table », affirme-t-il.

Autre grief porté contre ce haut responsable du parti, les rapports de la gestion de l’élection présidentielle de 2018 et des législatives/municipales de 2020. D’après ses adversaires, Joshua Osih, arrivé 4à cette réunion (la pire performance du parti depuis sa création en 1990), n’a pas présenté le rapport de la participation du parti. « Le NEC lui a demandé depuis de déposer ces rapports. Mais il a toujours reporté et il a toujours été protégé par président national. On est en 2022, l’élection est finie en 2018 », soutien Emmanuel Ntonga. Ce que nuance Parfait Mbvoum, vice-président régional du SDF pour le Centre. « Il y a eu un rapport. Il y a eu des discussions, peut-être il n’y a pas eu de décision définitive, mais je pense qu’il y a un rapport qui a été fait sur ce point ».

Aristide Nomo, politologue : « Le SDF a été depuis quelques décennies, un appareil générateur de rentes à travers des deals politiques sous terrain avec l’ordre dominant et aujourd’hui les différentes tendances n’arrivent plus à masquer leurs appentis dans cette logique de captation des rentes qu’offre le marché politique au Cameroun ».

 Le mis en cause défend d’ailleurs avoir déposé lesdits rapports. « J’ai remis le rapport, et ceux mêmes qui ont signé les décharges ont le rapport, et j’ai les décharges. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, je ne dois un rapport à personne ». À l’en croire, le problème est ailleurs, dans la guerre de succession qui s’est déjà déclarée. « Quand des gens sont dans le maquis, n’appelez pas cela la guerre. C’est du terrorisme, ce n’est pas la guerre. Que les gens viennent lors des réunions statutaires », s’emporte-t-il.

Contrôle de la rente

Pour de nombreux observateurs en effet, les contestations qui ont suivi les nominations du Chairman ne sont que les remous d’une guerre à plusieurs enjeux. Le politologue Aristide Nomo analyse : « Au-delà de ces clivages mettant aux prises la tendance modérée et la tendance dure du SDF originel, il y a la question du clientélisme sous fond d’affairisme qui s’observe au cœur des luttes. Ce qui est au cœur des enjeux, c’est le contrôle d’un appareil générateur de rentes. Le SDF a été depuis quelques décennies, un appareil générateur de rentes à travers des deals politiques sous terrain avec l’ordre dominant et aujourd’hui les différentes tendances n’arrivent plus à masquer leurs appentis dans cette logique de captation des rentes qu’offre le marché politique au Cameroun ».

« Le Chaiman, qui devrait briller par une certaine objectivité, par un arbitrage rigoureux, semble prêter le flanc à la tendance qui s’accommode un peu plus avec l’ordre dominant (…). Joshua Osih, semble un peu plus accommodant qu’un certain Nintcheu qui ne brille pas par une certaine réserve, par sa soumission, et évolue comme un anarchiste », soutient un analyste politique. De son côté Fru Ndi se défend de protéger Osih au détriment de Nintcheu. L’opposant historique au président Paul Biya voit en cette rivalité « une quête de leadership (moins) qu’une guerre d’ego ».

Ludovic Amara

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Dernière modification le mardi, 28 juin 2022 10:11

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