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Ben Decca se défend d’avoir annulé sa participation à un concert en Allemagne en raison des menaces de la BAS

Ben Decca se défend d’avoir annulé sa participation à un concert en Allemagne en raison des menaces de la BAS

Paru le vendredi, 17 mars 2023 12:23

Le chanteur de makossa de renom Ben Decca a annulé sa participation à un concert programmé le mois prochain en Allemagne à cause de risques pesant sur sa sécurité, a-t-il indiqué dans un communiqué publié mardi sur sa page Facebook. « C’est avec un grand regret que nous vous informons par la présente que nous n’assisterons pas au spectacle prévu le 15 avril 2023 en Allemagne. (…) Je me dois de protéger ma famille envers et contre tout. Or, les garanties de sécurité que j’ai demandées au promoteur ne peuvent être assurées », écrit l’artiste qui fête ses 40 ans de carrière cette année.

Le crooner de la musique camerounaise devait notamment partager la scène avec ses sœurs Grace et Dora Decca, d’après l’affiche de concert publiée sur sa page. Mais il a finalement décidé de ne pas participer à l’acte 1 du « Gala africain d’intégration » prévu à la salle de concert Alter Flughafen 11a dans la ville de Hanovre, dans le nord de l’Allemagne. Cette annonce intervient alors que la Brigade anti-sardinards (BAS), mouvement de la diaspora camerounaise hostile au régime de Yaoundé, a appelé au boycott de ce concert. Mais Ben Decca se défend d’avoir annulé sa participation en raison des menaces de la BAS.

« Ce n’est pas à cause de cet obscurantisme. J’ai simplement estimé que le promoteur a été plus ou moins indélicat parce que, quand bien même tu veux organiser un concert, il y a des conditions à remplir. S’il y a un semblant de menace, tu avertis la police, tu vas à la préfecture. Et ce jour-là, on met les forces de l’ordre. Mais si tu ne le fais pas, toi, le promoteur, ça ne sert à rien (…) Comme c’était du live, j’étais un peu enthousiaste d’aller jouer avec mes sœurs. Ce n’est pas parce que j’ai envie de le faire que je dois exposer mes sœurs », a-t-il déclaré à la chaîne de télévision privée STV. Il avait cependant été contraint d’annuler son spectacle en 2018 à l’Espace Noisy-le-Sec en région parisienne, à cause de la BAS.

« Base tribale »

La BAS s’est donnée pour mission de boycotter, hors du Cameroun, tous les artistes qui ont soutenu le président Paul Biya lors de la dernière élection présidentielle en octobre 2018. Ses membres, qui ne cachent pas leurs soutien à l’opposant Maurice Kamto du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), arrivé deuxième derrière Paul Biya lors de ladite élection, ciblent notamment les artistes qui ont participé au grand concert de fin de campagne du président de la République organisé au Palais polyvalent des sports de Yaoundé (Paposy) le 6 octobre 2018, veille du scrutin.

L’année dernière, elle avait décidé de perturber le concert de Grace Decca en France. Malgré ces menaces, la chanteuse, qui a donné de la voix au concert de soutien en faveur du chef de l’État, a maintenu son spectacle du 13 mai 2022 au Palais de la Terrasse, une salle de réception située dans la commune française de Le Thillay, à 15 minutes de Paris. Les activistes de la BAS avaient essayé de s’infiltrer dans la salle de spectacle, sans succès. K-Tino ou encore Coco Argentée ont annulé leurs spectacles à l’étranger au lendemain de la présidentielle de 2018, suite aux menaces de boycott de la BAS dont les membres s’illustrent souvent par des actions violentes.

Sur les réseaux sociaux, certains accusent ce mouvement de choisir ses cibles sur une base tribale. « Les petits tribalistes oisifs de la BAS laissent Krys M se mouvoir trancoolement à Mbeng pour s’acharner sur Coco Argentée et Ben Decca. Cachez même un peu votre jeu », a réagi le rappeur Koppo sur Facebook.

Plusieurs internautes abondent dans le même sens.

A la suite de la sortie de Ben Decca, un communiqué attribué à la communauté « Sawa diaspora », que SBBC n’a pu authentifier, a fait son apparition sur les réseaux sociaux pour dénoncer une « provocation de trop qui ne vise que les communautés non Bamilékés ». D’autres s’opposent à l’ethnicisation de la BAS.

« Conflit » fratricide

Prise à partie dans ce « conflit » fratricide sur les réseaux sociaux, la chanteuse Krys M se défend de chanter pour le peuple camerounais et non pas pour une tribu en particulier. « Aujourd’hui, j’ai la chance d’être sous les feux des projecteurs grâce à un public dont je ne connais ni la couleur, ni la langue, ni l’ethnie… Mon public n’est ni Bamiléké, ni Beti, encore moins Bassa, Bamenda, etc., il est camerounais, africain, mondial… En fait, il est juste humain. Ma musique a peut-être un rythme qui s’identifie à une région, mais les cœurs qu’elle touche n’ont pas de tête. Vouloir me mettre au centre des débats de tribalisme, sincèrement, je dis non », écrit l’interprète du titre à succès « À chacun sa chance », actuellement en tournée en Europe.

La dernière élection présidentielle et les crises qui s’en sont suivi ont été le déclencheur d’une vague de discours de haine et de tribalisme sur les réseaux sociaux et hors. De nombreuses dérives du genre dans les discours de certains politiques, les débats télévisés, etc., ont mis à mal l’unité nationale du pays, constitué de plus de 200 ethnies. On a ainsi assisté à la naissance des termes « sardinard » et « tontinard », des appellations données d’une part aux partisans du parti au pouvoir (RDPC) et, d’autre part, à l’opposition, notamment les sympathisants du MRC.

Ces deux termes ont par la suite été rattachés implicitement aux ethnies : les Bulu (ethnie d’origine du chef de l’État) et les Beti systématiquement associés aux « sardinards », alors que l’ethnie Bamiléké, dont est issu Maurice Kamto, est assimilée aux « tontinards ». En 2019, le Cameroun a adopté la loi sur le tribalisme pour tenter de mettre un terme à ce phénomène qui met à mal la notion de « vivre-ensemble » prônée par les pouvoirs publics.

Patricia Ngo Ngouem

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Dernière modification le vendredi, 17 mars 2023 12:42

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