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Mort de Martinez Zogo : confusion sur l’implication d’Amougou Belinga et Eko Eko

Mort de Martinez Zogo : confusion sur l’implication d’Amougou Belinga et Eko Eko

Paru le dimanche, 03 décembre 2023 04:52

Une ordonnance portant la signature du juge d’instruction du tribunal militaire de Yaoundé, le lieutenant-colonel Florent Aimé Sikati II Kamwo, est apparue sur les réseaux sociaux ce 1er décembre 2023. La décision, signée le même jour, ordonne la mise en liberté de l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga et du directeur général de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), Léopold Maxime Eko Eko, « s’ils ne sont détenus pour une autre cause ». Selon le document, à ce stade de l’information judiciaire sur l’affaire Martinez Zogo, du nom de l’animateur radio enlevé et retrouvé mort en janvier dernier, leur détention « n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ».

Sauf que plusieurs heures après la publication de cette ordonnance, un courrier est apparu sur les réseaux sociaux portant la signature du même juge d’instruction. Il est adressé au commissaire du gouvernement près du tribunal militaire de Yaoundé, Cerlin Belinga. « J’ai l’honneur de vous informer que l’ordonnance de mise en liberté en circulation sur les réseaux sociaux depuis cet après-midi, concernant les nommés Eko Eko Léopold Maxime et Amougou Belinga Jean Pierre, n’est pas authentique. Les décisions éventuelles dans cette procédure interviendront en temps opportun », peut-on y lire.

À la suite, une correspondance portant cette fois la signature Cerlin Belinga fait son apparition sur le Net. Elle demande au régisseur de la prison principale de Kondengui, où sont détenus Amougou Belinga et Eko Eko, « de ne pas exécuter un quelconque ordre de mise en liberté sans en référer », au motif que le juge d’instruction affirme que l’ordonnance de mise en liberté en circulation sur les réseaux sociaux « n’émane point de lui ». Il en sera ainsi, puisque jusqu’à la mise en ligne de cet article, les deux inculpés étaient toujours en détention.

Une nouvelle piste ?

Et pourtant, les avocats de l’homme d’affaires et du patron des services de contre-espionnage camerounais affirment que cette ordonnance leur a été « régulièrement notifiée par ministère et diligence du greffier d’instruction ». Deux procès-verbaux de notification de cette ordonnance aux conseils, portant la signature du greffier d’instruction, Jean Didier Nkoa, et des représentants des conseils des deux inculpés, circulent également sur la Toile. Suffisant pour faire dire à Me Charles Tchoungang que « c’est la nouvelle piste du juge qui inquiète tout le monde ». Pour l’avocat de Jean Pierre Amougou Belinga, « on ne veut pas que la vérité apparaisse ».

Il faut dire que l’ordonnance querellée tend à mettre hors de cause Léopold Maxime Eko Eko et Jean Pierre Amougou Belinga, présentés, jusqu’ici par le lieutenant-colonel Justin Danwe, directeur des opérations de la DGRE, respectivement comme le donneur d’ordre et le financier de la « mission Martinez Zogo ». Ce qui supposerait que les commanditaires de l’enlèvement et de la torture du chef de chaine de la radio Amplitude FM restent à identifier. Par ailleurs, les circonstances de la mort de l’animateur restent à élucider. En effet, Eko Eko, Amougou Belinga, Justin Danwe et d’autres employés de la DGRE ont seulement été inculpés, le 3 mars 2023, pour « torture, complicité de torture, omission de porter secours, arrestation et séquestration aggravées en coaction et violation de consigne en coaction ».

À Léopold Maxime Eko Eko, il est précisément reproché « d’avoir provoqué de quelque manière que ce soit la torture de Martinez Zogo, ou donné des instructions pour la commettre » et à Jean Pierre Amougou Belinga « d’avoir aidé ou facilité la préparation ou la commission du crime de torture reproché à Justin Danwe et autre, notamment en mettant des moyens financiers à sa disposition pour ladite opération ».

Centre des situations

Lors de l’enquête préliminaire, le lieutenant-colonel Justin Danwe a présenté le patron du contre-espionnage comme le donneur d’ordre de la « mission Martinez Zogo », instruction qui aurait été donnée au cours d’une réunion tenue au centre de situation de la DGRE. Sauf que, selon la décision au centre de la controverse, cette réunion n’aurait jamais eu lieu. « Le chef du centre des situations, le conseiller technique n° 1, le chef de division de la surveillance électronique, le directeur de recherche, les deux ingénieurs chargés de passer les bandes sonores et visuelles lors des réunions au centre des situations (…) ont unanimement déclaré (…) qu’aucune réunion ne s’est jamais tenue au centre des situations de la DGRE avec pour objet le journaliste Martinez Zogo », y lit-on. Selon le même personnel, la bande sonore dans laquelle Martinez Zogo insulterait Eko Eko, présentée comme le mobile du crime, n’a jamais été déroulée au centre des situations de la DGRE.   

En plus, Danwe prétend avoir rendu compte de l’exécution de la « mission Martinez Zogo » à son supérieur les 18 et 23 janvier 2023. « Il est apparu qu’il n’en était rien », affirme l’ordonnance querellée. La conviction de son auteur repose sur le témoigne de la secrétaire particulière d’Eko Eko et sur « les images issues de la caméra de vidéo-surveillance installée dans le bureau de Danwe Justin qui montre qu’il y est resté toute la journée du 23 janvier 2023 ».  

Au sujet d’Amougou Belinga, la décision au centre de la controverse affirme que lors de son interrogatoire au fond, Justin Danwe a disculpé l’homme d’affaires en affirmant que « cet inculpé n’était en rien impliqué dans l’arrestation, la séquestration et la torture Martinez Zogo ». En plus, « même la bande visuelle versée au dossier au cours de l’enquête préliminaire et supposée l’incriminer, comporte des incongruités qui en altèrent la véracité, et partant la recevabilité », y renchérit-on.

Aboudi Ottou

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