Rumeurs, idées reçues, clichés, superstitions, légende : qui dit vrai ? qui dit faux ?
Jacques Fame Ndongo : la « créature » de Paul Biya

Jacques Fame Ndongo : la « créature » de Paul Biya

Paru le mercredi, 26 octobre 2022 18:01

En 2011, Jacques Fame Ndongo défraie la chronique quand il affirme qu’il est « une créature », « un serviteur », mieux « un esclave » du président Paul Biya, le « créateur ». Plus tard, il explique que c’est le président qui l’a politiquement créé. Son parcours ne le contredit pas. En effet, c’est bien en 1984, deux ans après l’arrivée de son pygmalion au palais d’Etoudi, que Jacques Fame Ndongo quitte la périphérie pour le centre de l’establishment avec sa nomination comme chargé de mission au cabinet civil de la présidence de la République.

En 1998, c’est encore grâce à Paul Biya que cet universitaire connu pour son bagout châtié passe de l’ombre à la lumière quand il est nommé cette fois recteur de l’université de Yaoundé I. Deux ans plus tard, il entre au gouvernement. Depuis cette date, il est ministre sans discontinuer. Ce parcours dans l’appareil d’État s’accompagne aussi d’une ascension dans les instances dirigeantes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir). En 2011, il intègre le bureau politique du parti au pouvoir, surnommé le saint des saints.

Pour la presse internationale, Jacques Fame Ndongo est sans aucun doute un proche du chef de l’État et « un rouage indispensable » de son système. Pendant plusieurs années, des sources au palais présentent même l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur (Minesup) comme l’une des plumes de Paul Biya. Les mêmes sources laissent entendre qu’il a été remplacé lorsque les discours du président ont commencé à devenir très économiques, à l’époque où le pays implémentait en grande pompe le Document stratégique pour la croissance et l’emploi (DSCE), la déclinaison décennale (2010-2019) du programme « Cameroun, pays émergent à l’horizon 2035 ».

Pour comprendre cette longévité dans les derniers étages du pouvoir, il faut remonter aux premières années de Paul Biya à Etoudi, si on en croit les auteurs du « Dictionnaire de la politique au Cameroun », un ouvrage collectif paru aux Presses de l’université de Laval en 2017, sous la direction de Fabien Nkot. « Ce professeur de sémiologie semble avoir forcé l’estime du deuxième président de la République en étant l’un des rares à croire à son étoile politique aux premières heures de son pouvoir. Alors qu’une frange importante de l’opinion considère en effet, entre 1982 et 1983, que le pouvoir de Paul Biya ne pourra guère survivre aux menées déstabilisatrices des partisans d’Ahidjo, ainsi qu’à une forme d’adversité rampante », peut-on lire dans cet ouvrage scientifique.

Jacques Fame Ndongo a effectivement pris un risque en coordonnant l’écriture d’un livre intitulé « Paul Biya ou l’incarnation de la rigueur : essai biographique sur le deuxième président de la République uniedu Cameroun », paru chez Sopecam en 1983.

La même année, il fait éditer « Le Renouveau camerounais : certitudes et défis », aux éditions de l’École supérieure des sciences et techniques de l’information (Essti). Tout laisse croire que cette prise de risque a forcé l’admiration du jeune président qui en a fait homme-clé de son régime en prenant le soin de l’habituer avec les dossiers sensibles pendant son passage au cabinet civil.

En plus de cette position de prestige, Jacques Fame Ndongo n’hésite jamais à descendre dans le débat public pour défendre le président. Par exemple, quand un journaliste lui rappelle sur un plateau télé qu’un diplômé en master entré à la fonction publique dans le cadre du recrutement des 25 000 emplois touche un peu plus de 87 000 FCFA, le ministre fait savoir que c’est largement supérieur au Smic.

Il ajoute : « Chacun doit arrimer son niveau de vie à ses ressources. Il faut éviter l’ostentation et le mimétisme ». Dans le « Dictionnaire de la politique au Cameroun », il est en tout cas présenté comme l’un des derniers remparts du pouvoir de Paul Biya parce qu’il apporte systématiquement la contradiction aux contempteurs du président. Pour l’opinion, c’est un véritable laudateur…

Michel Ange Nga

Please publish modules in offcanvas position.