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Ferdinand Ngoh Ngoh : un SGPR aux pouvoirs étendus

Ferdinand Ngoh Ngoh : un SGPR aux pouvoirs étendus

Paru le mercredi, 06 juillet 2022 08:12

Dans l’opinion, Ferdinand Ngoh Ngoh passe pour être la personnalité la plus influente du Cameroun après Paul Biya. D’où les surnoms de vice-président ou de vice-Dieu qui lui sont attribués. Cela tient principalement à la fonction qu’il occupe. Depuis le 9 décembre 2011, le diplomate est en effet le secrétaire général de la présidence de la République (SGPR). Bien que n’étant pas à la tête d’une institution constitutionnelle, son influence repose sur sa proximité avec le chef de l’État, dans un régime présidentiel, voire présidentialiste, avec un chef de l’exécutif réputé difficile d’accès.

Ferdinand Ngoh Ngoh est en effet le principal et le plus direct collaborateur de l’homme-lion. Il est, par exemple, le seul à recevoir de ce dernier « toutes directives relatives à la définition de la politique de la nation », selon le décret du 9 décembre 2011 portant réorganisation de la présidence de la République. À la lecture de ce texte, il en ressort que l’ancien secrétaire général du ministère des Relations extérieures (août 2010-décembre 2009) est à la fois l’assistant, le greffier, le scribe, le conseil juridique… du chef de l’État ! Le SGPR est, en plus, l’interface entre le président de la République et tout l’environnement politico-institutionnel et assure la liaison entre ce dernier et le gouvernement. D’où les correspondances répercutant les « très hautes instructions du président de la République ».

Puissant pouvoir de nomination

Depuis le 5 février 2019, Ferdinand Ngoh Ngoh peut même agir en lieu et place de Paul Biya, grâce à une délégation permanente de signature. Ce décret du chef de l’État lui donne, comme ce fut le cas de ses prédécesseurs, le pouvoir de signer « toutes pièces et correspondances relatives aux affaires administratives courantes ». En plus, le SGPR peut prendre des actes d’intégration, de rabaissement de classe ou grade, de révocation et de mise en retraite des fonctionnaires de police et « nommer jusqu’aux fonctions de directeur adjoint à la présidence de la République ».

En matière de nomination, le rôle de cet originaire de Minta, dans le Centre du pays, est encore plus étendu. Ce qui renforce son influence, soutient Fred Ebongue Makolle, actuel secrétaire général du ministère de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel). On apprend dans son ouvrage, « Le travail gouvernemental au Cameroun. Organisation, principes et méthodes d’action » publié en 2019 aux éditions Afrédit, que le SGPR filtre les projets qui obtiendront ou non le visa du président de la République pour les postes pourvus par un acte du Premier ministre (PM).

Pour les nominations effectuées par le chef de l’État, il « est investi d’une force de proposition redoutable et redoutée », soutient l’auteur, par ailleurs ancien secrétaire des conseils de cabinet (2005-2016). Elle peut d’ailleurs s’étendre jusqu’à la formation du gouvernement, si l’on en croit l’ancien SGPR, Jean Marie Atangana Mebara. Dans son livre « Le secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun. Entre mythes, textes et réalités », ce dernier décrit son niveau d’implication dans la constitution de nouveaux gouvernements et des remaniements intervenus entre 2002 et 2006.

Task-forces

Habituellement, au Cameroun, le champ de coordination de l’action gouvernementale du secrétaire de la présidence de la République est plus large que celui du Premier ministre, soutient Fred Ebongue Makolle. Deux faits évoqués dans son ouvrage l’illustrent : à la différence du PM, le SGPR acte dans le domaine réservé du président de la République (sécurité intérieure, défense, justice, affaires étrangères, contrôle des finances publiques…). En plus, le PM et les ministres « n’agissent véritablement en toute confiance qu’après avoir reçu, sous une forme ou une autre, l’imprimatur du président de la République ».

Mais des éléments conjoncturels sont venus renforcer cet état de choses, rendant celui qui a été élevé au rang de ministre d’État le 4 janvier 2019 encore plus puissant. Depuis le mandat actuel, débuté le 6 novembre 2018, Paul Biya semble un peu plus en retrait que d’habitude. Il faut dire qu’à bientôt 90 ans (il est officiellement né 13 février 1933), l’homme-lion n’a plus la forme et l’énergie qu’il avait à son accession au pouvoir le 6 novembre 1982.

Paradoxalement, au même moment, des questions opérationnelles sont de plus en plus ramenées à l’approbation du président de la République (nominations dans les entreprises publiques, sortie de plus de 100 millions de FCFA dans les chapitres des dépenses communes, gestion du domaine privé de l’État…). À cela, il faut ajouter la création des task-forces, dirigées par le SGPR, pour superviser des activités déjà coordonnées par le chef de gouvernement comme l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football, tenue en début 2022, ou la lutte contre le coronavirus.  

Aboudi Ottou

Dernière modification le mercredi, 06 juillet 2022 17:42

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